SI ET LÀ (2016 - Work in progress)

Œuvre anti-excoordiste appartenant au corpus Du meilleur au pire.

181 signes imprimés sur papier cartonné, ruban adhésif vert fluorescent et pochettes A3.

 

Ci-dessus, une photographie de l'œuvre lors de sa première présentation, le 15 juin 2016.

 

Présentée sous l’état de « work in progress » le 15 juin 2016, « quelque part sur un quai proche de Notre-Dame de Paris » dans le cadre d’une exposition d’une durée de quelques heures, SI ET LÀ est une réalisation anti-excoordiste qui appartient à l’ensemble "Du meilleur au pire", amorcé en 2014 , et qui a fait, en 2015, l’objet d’une première publication portant le même titre.

Au premier abord optique et matériel, cette œuvre téïsyniste ciselante se constitue à partir de différents signes imprimés en noir et blanc sur lesquels sont visibles des lignes blanches en pointillées, parfois recouvertes par des bandes vertes fluorescentes. Ces trois données, qui ne peuvent se réduire à un simple effet visuel, tendent à mettre en évidence une nouvelle destruction de la particule extendue dans l’esthétique excoordiste, à savoir l’élément anti-presque-extendu, ou la particule anti-sur-le-point-d’être-fragmentée. En effet, si les tracés en pointillées, ou les repères pour des fragmentations à venir, se réfèrent directement au « presque », l’appellation « anti-presque », quant à elle, se justifie dans la mesure où les rubans adhésifs verts recouvrent ces esquisses de fragmentations futures, les compromettent, et affirment également l’annulation de ces tentatives d’extensions klamistes ou fragmentaristes.

De cet anéantissement polythanasique initial, cette composition, au-delà de son rejet formel de la coordination, celle-ci ne peut que livrer des signes anti-développés qui conservent les stigmates causés par des tentatives infructueuses et contradictoires. Cependant, ces essais se démarquent de l’élément a-extendu, qui se caractérise par un abandon pleinement assumé de toute pratique d’extension. Tout au plus, ces constituants peuvent être envisagés comme une étape qui précède l’absence totale de développement excoordiste élémentique.

Cela étant dit, en dehors de cet apport nécessaire à l’édification de la période négative du Téïsynisme, la monstration visuelle des composants de cette réalisation artistique se dérobe de l’immédiateté ainsi que de la complétude. Chacune de ces particules, en plus d’être anti-presque-prolongée, s’avère soumise à une condition de présentation singulière qui doit absolument être respectée par le ou les curateurs de l’exposition. Cet anéantissement supplémentaire, que l’on pourrait nommer « polythanasie par l’exhibition conditionnée », se manifeste ici sous la forme d’étiquettes noires et blanches, sur lesquelles on peut lire, à chaque fois, une contrainte différente. Allant d’une simple distance à respecter par rapport à un objet jusqu’à la nécessité de trouver un environnement où se déroulent des activités ignobles, surhumaines ou impossibles, SI ET LÀ tente d’enchaîner ses éléments à des données extérieures à l’accomplissement plastique, qu’elles soient en rapport avec l’être humain, l’animal, le végétal, les éléments inertes, les objets célestes, la pensée ou les entités divines.

Cependant, comme certaines exigences demeurent parfois dans l’incapacité d’être respectées, ces signes anti-presque-fragmentés, ne pouvant être montrés, sont destinés à demeurer dans l’une des pochettes de la réalisation pendant la durée de l’exposition. Par ailleurs, sur chacun de ces réceptacles, eux-aussi verts fluorescents, est collé un imprimé qui défend formellement les curieux de regarder son contenu. En conséquence, condamnée à être soumise à un environnement qui diminue l’effectif de ses particules pourtant déjà détruites, SI ET LÀ peut se donner en un seul regard, mais incomplet, puisqu’il échappera toujours à une monstration complète.

Outre ces restrictions voulues, il est nécessaire de préciser que certains impératifs présentatifs cherchent à explorer des ambiances désagréables, comme la présence d’une particule près d’une odeur insoutenable, d’un cadavre, ou d’une orgie perverse et sadique qui mêle déjections et sécrétions du corps humain. Ne pouvant faire l’objet d’une seule exhibition dans un lieu bien tenu et, de toute manière, banalisé par un nombre croissant de musées et de galeries qui n’apprennent que très rarement à s’ouvrir sur le monde extérieur, la richesse de cette œuvre impose l’exploration de plusieurs « ci » et « là » insolites, sordides, macabres, parfois impossibles, inexistants ou passés.

De ces quelques clarifications sur la portée réductrice de cette œuvre anti-excoordiste, il est désormais aisé de comprendre que le titre de la réalisation tient en un simple jeu de mots, créé à partir d’un remplacement de la lettre « c » par la lettre « s » dans l’expression « ci et là », qui renvoie non seulement à un éparpillement des composants, mais aussi aux différentes conditions qui réduisent le champ des possibilités de présentations concrètes.

 

Hugo BERNARD

Juin 2016